12/06/2015
Gouvernement-Uber : le cas du "disrupter" Grégoire Kopp
Encore une success-story de la gauche libérale, que les sarkozystes ne pourront condamner ! Conseiller du secrétaire d'Etat aux Transports Alain Vidalies, Grégoire Kopp devient soudain dir'com' chez Uber France - qui anime un réseau de transports hors-la-loi :
Grégoire Kopp est un jeune monsieur parisien qui se présente, sur son compte Twitter, comme un « disrupter »*. Si je vous parle de son compte T., c'est à cause de son dernier tweet posté il y a 21 heures (je respecte l'orthographe tendance) :
Grégoire Kopp @_GRK21 h
Très heureux de rejoindre @UberFR, société de technologie qui évolue ausi rapidement qu'elle fait bouger la société.
Greg nous le confirme donc : la société ne repose plus sur le vivre-ensemble mais sur la technologie. « Evoluer rapidement » est la solution imposée par l'algorithme global. Ça allait sans dire. Ça va encore mieux en le disant. Merci, Greg.
Tu** nous informes que tu « rejoins » (franglais globish pour : I have just joined) « Uber France ». Le mot « France », chez Uber, ne désigne pas une nationalité mais une cible. Le réseau Uber s'implante en France – Marseille, Nantes, Strasbourg – dans une joviale indifférence envers la loi française.
Or d'où viens-tu, Grégoire ? Du gouvernement de la République française. Jusqu'à hier tu étais conseiller en communication du secrétaire d'Etat chargé des transports, Alain Vidalies. Aujourd'hui tu deviens directeur de la communication d'Uber France. Non seulement c'est une confusion du public avec le privé, mais c'est un aveu de connivence de la République (ce qu'il nous en reste) avec le démontage des lois de la République ! Démontage béni par une partie de la magistrature, à en juger par la décision du tribunal de Paris signalée par notre note du 11/06 ; décision qui exprime un revirement de jurisprudence, puisqu'en 2014 encore le tribunal de Paris avait condamné UberPop à 100 000 euros d'amende ! Le revirement d'avant-hier met en cause la fonction du droit dans la société : ce qui révèle un chaos mental dans les esprits des cadres de la société française... au bout de vingt-cinq ans d'imprégnation ultralibérale.
Dans ce climat, le nomadisme de Grégoire Kopp n'est qu'un symptôme un peu plus pittoresque.
Pittoresque aussi est sa ligne de défense (presque aussi bidon que celle de M. Valls sur son voyage aérien à Berlin). En passant du gouvernement à Uber, dit Greg, « je ne suis pas en conflit d'intérêt », et cela pour deux raisons : 1. « en tant que chargé de communication je n'avais pas travaillé les dossiers sur le fond » ; 2. « les taxis concurrencés par UberPop sont rattachés au ministère de l'Intérieur et non à celui des Transports. » Prodigieux arguments ! Le 1 veut dire qu'un conseiller en communication ne connaît rien aux sujets dont il parle ; le 2 fait semblant de croire que le job de M. Grégoire Kopp chez Uber concernera les taxis officiels, ce qui ne sera évidemment pas le cas.
En tout cas ce garçon nous fait savoir qu'il est « très heureux ». Vas-y, Greg. Ne transige pas avec tes émotions.
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* sic. Sur la « disruption », voir nos notes d'hier et avant-hier.
** le tutoiement est de rigueur, entre disrupters.
15:19 Publié dans Economie- financegestion | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : uberpop
Commentaires
GRÉGOIRE
> Ce jun'homme s'appelle-t-il donc Vincent, ou bien Grégoire ?
Erreur, ou simple stratégie disruptive ?
¨
PMalo
[ PP à PM - Au temps pour moi : faute de frappe dans la bousculade ! Grégoire s'appelle exclusivement Grégoire. ]
réponse au commentaire
Écrit par : PMalo / | 12/06/2015
KOPP
> Grégoire Kopp avait d'ailleurs quitté Vidalies, ex-ministre chargé des relations avec le Parlement sorti du gouvernement quelques mois. Le temps,en juin 2014, pour notre jeune prodige d'aller se frotter à la réalité du capitalisme éclairé (chez TBWACorporate où il devait apporter "son expertise en stratégie d’influence"). Vidalies revenant aux affaires pour remplacer Cuvillier au secrétariat d'Etat aux transports, notre ami Kopp reprenait lui aussi le chemin d'un cabinet ministériel. Moins d'un an plus tard, il part chez Uber. Vidalies doit être vert car c'est pas le genre du bonhomme...
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Écrit par : Moa / | 12/06/2015
"SCANDALE" N'EST PAS LE MOT
> Grégoire Kopp, qui fut aussi longtemps juriste chez UFC - Que Choisir, qui m'a fait l'amitié de venir au cocktail que j'avais organisé le jour où je me suis installé à mon compte, a donc choisi de poursuivre dans la voie qu'il avait choisie, la communication. Bon, scandale ? Il rejoint (ce qui est aussi du français français) une entreprise qui, c'est vrai, met en danger le monopole des taxis, dont chacun s'accorde à dire qu'il fonctionne mal - sans entrer dans le détail de son actionnariat, s'agissant de G7. Cette mise en danger incite d'ailleurs les taxis à se réformer, à se montrer moins désagréable, à accepter la carte bleue etc. Mais n'ayons crainte, ils ont le pouvoir de faire plier le gouvernement à chacune de leurs manifestations et ce, même s'ils se comportent comme des mafieux et des voyous, n'hésitant pas à agresser physiquement les chauffeurs des VTC.
Je vois mal l'objet exact du scandale.
Koz
[ PP à Koz :
Pourquoi ce mot : "scandale" ?
D'une part, les conflits d'intérêts (et/ou la glissade généralisée du public dans le privé) ne "scandalisent" plus grand'monde.
D'autre part, cette petite histoire n'est (je l'ai dit) qu'une illustration un peu plus pittoresque d'un processus d'ensemble.
Sur la nature de ce processus, je me permets de vous suggérer la lecture des deux notes suivantes :
- http://plunkett.hautetfort.com/archive/2015/06/09/uber-et-l-argent-d-uber-5636883.html#more
- http://plunkett.hautetfort.com/archive/2015/06/11/uberisation-de-l-economie -les-juges-sont-d-accord-5638096.html#more
Voire, latéralement, de celle-ci :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2015/06/10/significatif-assiege-par-l-opinion-l-europarlement-ajourne-l-5637478.html#more
Le mot "scandale" est inadéquat ; il s'agit d'un processus socio-économique d'une autre altitude, et d'une autre ampleur, que la minuscule (mais pittoresque) affaire Kopp. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Koz / | 12/06/2015
FLUIDE
> Scandale, évidemment, infâme scandale, ce que les Anglais dénoncent sous le nom de "revolving doors", à savoir la fluidité avec laquelle le politique vient du privé et y retourne : au milieu, un bref passage au pouvoir où l'on sert des intérêts tout autres que le bien commun et l'intérêt supérieur de la nation, puisque l'actionnaire est désormais le véritable maître du ministre.
Et on se justifie de sa haute trahison avec les slogans habituels : les Français sont des flemmards, les chômeurs sont des parasites, la sécu plombe les comptes (et non les 20 milliards du CICE, bien sûr), l'économie régulée c'est l'URSS, les chauffeurs de taxi sont mal élevés.
Absence d'argumentaire volant au secours de l'absence de sens moral et civique.
C'est aujourd'hui la journée mondiale contre le travail des enfants. N'en parlons pas : ce n'est pas un scandale non plus, le camp de travail pour les moins de 10 ans, puisque qu'il suffit de manifester contre l'avortement pour pouvoir prétendre qu'on défend la cause des "tout-petits" sans avoir à renoncer aux cocktails actionnariaux des esclavagistes délocalisés.
Ah, qu'il est confortable d'être bourgeois et paroissien !
http://www.signatures-photographies.com/kaaWeb/accueilWeb/book/spip.php?page=imprimer&id_rubrique=194
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Écrit par : Christian Vennec / | 12/06/2015
à JF
> Oui, merci. Décidément j'étais bousculé à cette heure-là.
PP
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Écrit par : à JF / | 12/06/2015
HABITUDE
> Eh oui, la vieille habitude libérale des chaises musicales, des "revolving doors"... Pour mémoire, dans "Le monde selon Monsanto", à partir de 43'20" :
https://www.youtube.com/watch?v=cVngG592xKU
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Écrit par : Alex / | 12/06/2015
INTÉRIEUR
> Ce qu'on apprend de plus surprenant dans cette affaire est que les taxis ne dépendent pas du Ministère des Transports, mais de celui de l'Intérieur. On comprend mieux le degré avancé de corporatisme mafieux auquel était arrivé la profession, désormais acculée.
Et si le vrai concurrent des taxis, c'était la Loi sur le Renseignement ?
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Écrit par : Renaud A / | 13/06/2015
SCIENCE-FICTION
> Ces libéraux ne seraient-ils pas de grands fans de science-fiction par hasard ? En tout cas, le "disrupteur/disrupter" semble être un thème commun de science-fiction, une arme destructrice très puissants qui dépose les éléments. Ils vont atomiser la société au canon énergétique ?
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=2&sqi=2&ved=0CCwQFjABahUKEwjEyNCazIzGAhVKaRQKHYb7AC8&url=http%3A%2F%2Ffr.wikipedia.org%2Fwiki%2FDisrupteur&ei=4Bd8VcTYGcrSUYb3g_gC&usg=AFQjCNEpI-aw7nYiDMqELXGMSOLzHTeb3Q&bvm=bv.95515949,d.bGg&cad=rja
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Écrit par : Aurélien Million / | 13/06/2015
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